Une charte communale contre le dumping social

La Ville s’engage à ne plus choisir systématiquement le prix le plus bas et à inclure des clauses éthiques et sociales dans les soumissions. Pour Hervé Deckers, spécialiste en droit social, c’est le manque d’inspections qui pose problème.

A l’instar de la Ville de Herstal et de Seraing, Liège a adopté une charte visant à lutter contre le dumping social dans les marchés publics de la Ville. En – très – résumé, la Ville de Liège s’engage à faire respecter les législations actuelles et à ne plus prendre aveuglément le prix le plus bas lorsqu’elle lance une soumission pour un chantier public.

Cette charte a été adoptée à l’unanimité après quelques discussions qui avaient surtout valeur politique, le PTB et Vega fustigeant la méthode employée par le PS qui «  lorsque cela l’arrange, fait passer le point directement au conseil alors que, dans d’autres cas, il préfère encommissionner le sujet  ».

Pour le bourgmestre, le vote de cette charte «  permet de l’intégrer au plus vite dans les cahiers de charge des chantiers communaux de manière à répondre au cri d’alarme poussé par le secteur de la construction notamment, qui s’apprête à une perte de 20.000 emplois supplémentaires d’ici 2018 ».

Que prévoit cette charte ? Tout d’abord, elle rétablit une série de règles qui, en soit, ne sont pas des nouveautés. Les soumissionnaires et la chaîne de sous-traitants en cascade sont tenus de respecter les dispositions législatives en matière de périodes maximales de travail et de repos, de durée minimale des congés annuels payés, de taux de salaire minimal, en ce compris les heures supplémentaires, ou encore tout ce qui concerne les dispositifs de sécurité et de santé au travail. Le soumissionnaire doit également fournir une liste de tous les sous-traitants et signer la charte, sous peine d’être exclus de la soumission. S’il contrevient à la charte, il s’expose à une amende de 400 euros par travailleur par jour.

«  Par cette charte, la Ville prend ses responsabilités en matière de dumping social comme le prévoit une loi fédérale de 2012 qui rend le maître d’ouvrage solidaire du soumissionnaire et de la cascade des sous-traitants, analyse Hervé Deckers, avocat spécialisé en droit social. Il n’y a rien de neuf : respecter les législations actuelles semble la moindre des choses ! Le problème n’est pas là. Pour lutter contre le dumping social, il faudrait renforcer les contrôles sur le terrain, notamment ceux effectués par l’inspection sociale. Quant à la sanction de 400 euros, elle n’est guère dissuasive pour certaines structures financières qui se mettent facilement en faillite et n’ont que faire des déclarations sur l’honneur. »

La charte prévoit des contrôles policiers, notamment en matière de traite d’êtres humains. Elle entend également vérifier la qualité et la légalité des logements de chantier. Enfin, elle prévoit une plate-forme d’échange d’informations et d’alerte sur le dumping social en collaboration avec la police. Par ailleurs, la charte promeut l’instauration de clauses éthique, environnementale et sociale dans les cahiers des charges, de manière à favoriser les retombées locales. La Ville s’engage également à exclure toute offre anormalement basse.  Pour nous, cette charte va dans la bonne direction, déclare Marc Vreuls, permanent FGTB du secteur de la construction. La Ville, en élaborant ses cahiers des charges, et la police, par ses contrôles, ont un rôle à jouer. C’est vrai qu’il manque des contrôles, notamment pour suivre les gros chantiers, mais la charte permet de remettre sur un pied d’égalité les travailleurs en luttant contre les abus en matière de salaire anormalement bas, poursuit celui qui tient en main une fiche de salaire où un travailleur roumain est payé 2,8 euros de l’heure. Pour rappel, les avantages inhérents au statut de travailleur détaché sont censés se limiter aux différences de cotisations sociales par pays et non, par abus, s’étendre aux salaires et aux horaires de travail.

«  Sans des contrôles intensifiés, on ne pourra pas éviter ces abus, comme le paiement de main à main à un salaire moindre, explique Hervé Deckers. Idéalement, il faudrait pouvoir contrôler un à un les sous-traitants. Et ça, c’est le rôle de l’inspection sociale, pas de la police. J’ai également une inquiétude juridique sur un point de la charte qui entend privilégier les entreprises locales. C’est contraire à la libre circulation des services prévue par l’Europe. »

Les prochains chantiers communaux auront valeur d’examen de passage.

http://www.lesoir.be/1003405/article/actualite/regions/liege/2015-09-30/une-charte-communale-contre-dumping-social





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