Les femmes se tournent aussi vers la construction

Dans la construction, aussi, il y a moyen d’être une femme et de le faire savoir. Le secteur en engage de plus en plus, même si leur nombre reste marginal en Belgique.

Elles s’appellent Amandine, Pascale ou Sophie. Leur particularité ? Elles exercent un métier habituellement exercé par des hommes. Et quel métier puisqu’elles ont choisi de travailler dans le secteur de la construction !

Secteur pourvoyeur d’emplois s’il en est, la construction en Belgique souffre d’une inégalité flagrante entre hommes et femmes. Au dernier recensement, ces dernières étaient 1.277 pour 143.475 ouvriers au total. Une goutte d’eau dans un univers réputé pour la difficulté de ses différents métiers ainsi que pour le machisme qui règne sur les lieux de travail.

Et pourtant, certaines n’hésitent plus à se tourner vers la construction, métier beau s’il en est mais terriblement exigeant. Pour favoriser l’engagement de ces ouvrières au grand courage, un poste de coach sectorielle a été créé au sein de la Confédération Construction.

Excellents points de départ pour entamer une carrière, les centres de formation du Forem accueillent toujours plus de candidates mais peu finissent par pousser la porte d’un chantier. Mais une fois qu’elles y arrivent, au prix de difficultés en tous genres, les femmes se font vite une jolie réputation. On les dit, en effet, plus « fines » au travail, plus courageuses et plus volontaires.

Elles deviennent couvreuses, tailleuses de pierres-marbrières ou encore menuisières et tant pis si elles ont un diplôme universitaire (dans des secteurs très variés) car ceux-ci ne les ont menées nulle part jusqu’ici.

A ceux qui estiment qu’il faut être fort pour travailler dans la construction, le site www.femmesdemetier.be prévient que 50 % de femmes sont aussi fortes que 70 % des hommes. Et pan !

Une fois les portes d’un chantier franchies, il faut encore se faire une place dans un univers où le sexe dit fort règne en maître. Mais certaines femmes y arrivent et préfèrent d’ailleurs travailler dans un milieu où règne la franchise.

Et n’allez surtout pas dire aux partisans des femmes qui portent le casque qu’elles présentent un problème plus grand de disponibilité par rapport aux hommes. Un entrepreneur nous dit ceci : «  Si vous saviez combien d’hommes me téléphonent le lundi pour me dire qu’ils ne viendront pas car ils se sont blessés au football…  »

Les femmes partent à l’assaut de la construction

Lorsqu’elle réalise des soubassements en bloc de 30 cm, Katty Defèche, maçonne de 41 ans, peut porter entre 8 et 10 tonnes par jour. « C’est ce qu’on demande habituellement à un homme. Je les mets toute seule. C’est sûr qu’à la fin de la journée, le dos a trinqué. Mais ce n’est pas parce que je suis une femme. Tout le monde trinque. »

Katty fait partie des 0,9 % de femmes qui composent le secteur de la construction en Belgique. Elles ne sont que 0,5 % en Wallonie (213 femmes pour 40.679 hommes), 1 % en Flandre (977 pour 92.809), et 0,6 % à Bruxelles (87 pour 9.987). D’après Choix de femme pour métier (dit) d’homme, un livret qui fait un état des lieux national dans la construction, « l’image véhiculée à propos des métiers du secteur reste liée à la pénibilité et à la saleté ». Ce qui explique en partie que les femmes ne franchissent pas le pas.

Ces stéréotypes n’ont pas trompé Amandine Linotte, carreleuse échantillonneuse. Son diplôme de sociologie ne lui permettant pas de trouver du travail, l’ouvrière de 32 ans s’est tournée vers la fabrication de fausses salles de bains dans un magasin spécialisé. « J’ai fait une formation en carrelage au Forem qui a duré un an. Au départ, je ne savais même pas comment on calculait le niveau. J’ai ensuite fait des stages et par chance, j’ai tout de suite trouvé du travail. »

Arriver jusqu’au chantier n’est pas simple pour la plupart des femmes. Katty Defêche a reçu de nombreux refus. « Malgré mon parcours, dès que les patrons se rendaient compte que j’étais une femme, ils refusaient de me donner une chance. » Roger Palm, directeur de la production dans l’entreprise de construction t.Palm pour la province du Luxembourg, le Grand-Duché et une partie de la province de Namur, est le seul qui lui a fait confiance : « J’ai vu que c’était une femme hors du commun. J’ai senti que ce qu’elle disait n’était pas du vent. Et ça s’est confirmé lorsque je l’ai vue travailler. Tous ses chefs d’équipe sont très contents, aussi bien sur le plan relationnel que professionnel. » Aujourd’hui, le responsable estime que recruter d’autres femmes est « envisageable, même s’il faut trouver des candidates » et qu’il n’a « jamais rencontré d’autres Katty ».

Afin d’inciter plus de femmes à se lancer, un poste de coach sectorielle a été créé. Celui d’Agnès Marlier. « C’est le secteur de la construction lui-même qui, cherchant de la main-d’œuvre qualifiée, s’est dit  “pourquoi pas des femmes”. C’est aussi le seul secteur en Belgique qui a dépassé le stade de la déclaration d’intention. »

La conseillère accompagne les femmes individuellement via les centres de formation du Forem, mais part aussi à la rencontre des chefs d’entreprise. « Grâce au coaching sectoriel, nous rendons visibles les parcours réussis et créons du réseau entre les travailleuses. L’idée étant de transformer un marché de l’emploi inégalitaire en un marché ouvert à tous et à toutes. »

Daniella Cattarin, 44 ans, a bénéficié du coaching sectoriel. « C’est par le biais d’Agnès que j’ai rencontré mon patron, avec qui je travaille depuis un an. Il recherchait des ouvriers investis. A ce moment-là, j’étais en stage, et il y a beaucoup de choses que je ne connaissais pas. Il a pris le temps de se poser, de m’expliquer, de me montrer. Mais il a aussi imposé ses directives comme tout chef », explique l’ouvrière. Elle bénéficie aujourd’hui d’un plan Activa, une mesure qui favorise la réinsertion des demandeurs d’emploi.

Pour son patron, Grégory Charles, Daniella est « très méthodique, plus qu’un homme et très compétente dans tout ce qui touche aux travaux de finition ».

Un perfectionnisme qu’a également constaté Fabien Quitens, vice-président et secrétaire du bâtiment de Charleroi, depuis 25 ans dans la construction. « Les femmes ont une finesse de travail beaucoup plus grande qu’un homme qui est plus bourru. C’est en ça qu’elles apportent un enrichissement et qu’elles nous apprennent beaucoup. »

http://www.lesoir.be/1077675/article/economie/immo/2015-12-24/femmes-se-tournent-aussi-vers-construction





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